Les Actes des Apôtres nous décrivent les événements postérieurs à la crucifixion et notamment la formation des premières communautés chrétiennes et la proclamation de l'évangile (la Bonne Nouvelle) parmi les Juifs et les païens. Les principaux protagonistes en sont : Pierre ,Paul, Etienne et Philippe.
L'impression générale de l'ensemble de l'ouvrage n'est guère différente de celle relevée à propos des évangiles (ce qui est normal puisque l'auteur est un des évangélistes) à savoir un récit historico-fantastique dans lequel alterne les passages crédibles sur la vie des personnages et les épisodes purement incroyables (guérisons miraculeuses, prodiges etc…).Il est ainsi bien difficile de se prononcer sur l'authenticité de ce témoignage aussi n'est-il pas surprenant de trouver de nombreux auteurs qui vont jusqu'à mettre en doute l'existence même des apôtres Pierre et Paul. On peut cependant noter que ceux-ci sont dépeint avec une certaine vraisemblance historique et qu'à l'inverse de Jésus ils ne prétendent pas au statut d'être surhumain ou divin. On peut donc adopter l'hypothèse de leur existence sans que cela ne soulève de difficultés particulières pour la suite de l'analyse.
Comme nous l'avons souligné dans l'introduction le texte des actes est parsemé de nombreux épisodes surnaturels parmi lesquels on peut relever :
- La guérison par Pierre et Jean d'un impotent (Actes 3)
- La mort subite infligée aux disciples Ananie et Saphire (Actes5).Cet épisode est assez surprenant à plusieurs titres: à la punition infligée aux deux disciples semblent disproportionnée par rapport à la faute commise.
à L'événement surnaturel évoqué ici va bien au delà d'un simple prodige comme une guérison miraculeuse et ne saurait donc s'expliquer de manière rationnelle. Il convient donc d'admettre en dehors de l'explication chrétienne que ce passage (comme beaucoup d'autres) est une pure invention de l'auteur.
- Les nombreuses guérisons miraculeuses accomplies par Pierre (Actes 5-16).
- La délivrance miraculeuse des apôtres puis de Pierre par un ange (Actes 5-17 et Actes 12).
- Les guérisons accomplies par Philippe en Samarie. (Actes 8-7): "Nombres de paralytiques et d'impotents furent également guéris".
- La vision de Saul (Paul) sur le chemin de Damas et sa perte de la vue pendant trois jours (Actes 9).
- Le paralytique guérit par Pierre à Lydda (actes 9-32).
- La femme ressuscitée par Pierre à Joppé: Sans doute un des plus extraordinaires prodiges relaté dans les Actes et qui rend définitivement impossible toute lecture rationaliste du texte: En effet on ne peut pas sans cesse prétendre que les gens guéris n'étaient pas vraiment malades et que les morts ressuscités n'étaient pas vraiment morts sans encourir le risque de discréditer complètement l'auteur de ces récits. L'hypothèse de l'invention est donc plus naturelle et n'entre pour autant pas en conflit avec la thèse chrétienne. Seul le paradigme rationaliste sort très affaibli après la lecture d'un tel texte pourtant considéré comme un témoignage historique (et donc en grande partie rationnel) fiable de cette époque.
- Le magicien Elymas qui devient aveugle suite à une intervention de Paul (Actes 13-11).
- La guérison d'un impotent a Lystres par Paul: Il est précisé ici qu'il s'agit d'un impotent de naissance ;encore une fois ce détail est utilisé par l'auteur pour affermir le caractère miraculeux incontestable de l'événement. Pas question donc d'interprétation en termes d'affection psycho-somatique guérissable par suggestion.
Luc fait tenir à Paul des propos que l'on ne retrouvera plus dans les œuvres de Paul lui-même (Les Epîtres): sa prédication devant les juifs (Actes13-17) mentionne Jésus et Pilate et fait donc référence aux événement qui se sont déroulés à Jérusalem quelques années plus tôt (?).On verra dans les épîtres que les dits événements ne sont jamais mentionnés par Paul ni même suggérés et que Pilate n'est jamais cité. La partie des Actes consacrée à Paul comprend de nombreux détails historiques qui ont permis aux historiens de dater avec assez de précision la période correspondante. Cette datation permet entre autres de considérer les premières épîtres de Paul dont nous allons parler comme les documents chrétiens les plus anciens que l'on sache dater avec précision.
Les trois voyages de Paul relatés dans les Actes ne nous apprennent pas grand chose sur les événements historiques qui nous préoccupent mais semblent indiquer toutefois que des communautés de chrétiens ou plutôt de judéo-chrétiens se sont formées assez tôt dans tout le bassin méditerranéen. Si l'on en croit les Actes c'est surtout l'œuvre de Paul, Barnabé et quelques autres qui n'ont pas ménagé leurs efforts pour convaincre les juifs comme les gentils. On pourrait penser que les arguments mis en avant pour convaincre les incrédules étaient en grande partie constitués de témoignages concernant les événements récents de Palestine (Les miracles accomplis par Jésus, son enseignement ,sa mise à mort par Pilate et sa résurrection).En fait comme on le verra dans les lettres de Paul celui-ci (à l'exception du passage cité plus haut) n'utilise ni ne cite jamais aucun de ces événements mais préfère prêcher en citant les écritures et en invoquant Dieu. On comprend alors mal comment en faisant l'économie des arguments ayant le plus de poids (la citation des nombreux témoins qui ont par exemple assisté aux miracles de Jésus) Paul ou Barnabé peuvent ainsi emporter aussi facilement l'adhésion de si nombreuses communautés et parvenir à former en l'espace de quelques années autant "d'églises" tout le long du trajet accompli durant leur voyage.
Il semble plus logique d'admettre que des communautés pré-chrétiennes existaient avant cela chacune avec une interprétation de son crû des écritures et que le rôle de Paul a plutôt consisté à fédérer et à unifier ces croyances en gestation qui ne demandaient qu'à se développer. L'époque en question était on ne peut plus propice à l'éclosion et au développement des idées de sauveur et de messie ou encore d'annonce de la fin des temps et d'un salut accordé à tous ceux qui auraient la foi. Il ne faut pas oublier que la période en question est celle de l'essor des religions à mystères et du stoïcisme. Le creuset était donc prêt comme jamais pour recevoir le message chrétien des premiers apôtres.
- Un détail marquant des Actes vient semble t-il conforter cette hypothèse :c'est le passage concernant Apollos (Actes 18.24-28).Apollos est un juif érudit originaire d'Alexandrie qui a été instruit de la "Voie du Seigneur" et qui est venu enseigner à Ephèse. Il est précisé "qu'il n'a connut que le baptême de Jean mais qu'il enseigne avec exactitude ce qui concerne Jésus" .On ne peut donc pas en déduire qu'il a été un témoin direct des événements concernant Jésus mais que son enseignement comme celui de Paul est plutôt relatif au Christ (Sauveur et Messie).Priscille et Aquila qui sont avec Paul se chargent de "lui exposer plus exactement la Voie" autrement dit de revoir son interprétation des écritures afin "d'unifier" le crédo naissant. S'il s'agissait de confronter des témoignages historiques les choses ne seraient sans doutes pas aussi simples.
- On peut aussi s'étonner que les "convertis" qu'ils soient juifs ou païens ne posent aucune question concernant le ministère récent de Jésus. Ils ont du entendre parler des nombreux miracles accomplis par celui-ci et son enseignement si nouveau n'a pas pu manquer de se propager de bouche à oreille. Paul et les premiers missionnaires auraient du donc en toute logique affronter des foules de questions sur tous ces sujets et surtout sur celui concernant le problème épineux de la résurrection. Paul a parlé a ceux (les Onze) qui ont vu Jésus ressuscité quelques heures seulement après la crucifixion et ensuite pendant plusieurs jours; il serait donc normal qu'il fasse part de son témoignage aux gens qu'il cherche à convertir soit spontanément soit pour répondre à leurs questions. Mais lorsque Paul prend la parole c'est pour prêcher selon les écritures en invoquant seulement le nom du Christ et sans jamais mentionner aucun fait "historique" récent. Nous allons maintenant analyser plus en détail ce "silence" à travers la lecture des Epitres.
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